Emotions et pleine conscience - Retour sur la conférence d'Ilios Kotsou
Le 31 mars, je me suis rendue au festival de l'Education, à Genève, afin de m'imprégner des initiatives qui émergent dans le monde de l'éducation, pour repenser celle-ci.
Le seul fait d'être entourée de personnes déterminées à contribuer à une éducation axée sur le bien-être de l'enfant, ses compétences, le développement de son potentiel fait du bien.
Je m'étais inscrite à la conférence d'Ilios Kotsou, dont le titre m'avait attirée : "émotions et pleine conscience", et voici ce que j'ai retenu.
"Qu'est-ce qui fait qu'on perd sa culture de vie intérieure?"
On nous éduque pour répondre à des injonctions, répondre à des attentes extérieures plutôt qu'à écouter notre boussole intérieure. Le monde qui nous entoure est davantage tourné vers le dehors que vers le dedans.
Et si, lorsque nous nous penchons à l'intérieur de nous, nous craignions d'être touché, affecté?
Dans le monde, l'âge moyen de la dépression ne cesse de baisser. Le suicide, devient la cause principale de mortalité chez les jeunes. En 2030, l'OMS prédit que la dépression sera la première cause de mortalité et elle devrait atteindre la deuxième place d'ici l'an prochain.
Il existe une réelle contradiction qui fait que le niveau de bien-être ne suit pas la courbe du PIB.
Ilios Kotsou explique que la relation que nous entretenons avec nos petites émotions du quotidien, prédit nos relations aux émotions dans 10 ans.
Les émotions sont des éléments centraux dans notre vie. Par exemple, prendre une décision, implique de sentir une émotion.
Pendant 7 millions d'années, nous avons été des animaux, dont l'enjeu était d'assurer notre survie. Nous sommes programmés pour être capables de détecter une menace entre 12 et 24 millième de seconde. Alors, notre attention se réduit, notre corps se prépare à l'attaque, à la fuite ou au figement.
Ces réactions préparent notre corps à survivre. C'est exactement la même mécanique qui est en jeu lorsqu'on dit à quelqu'un qu'on aime quelque chose qu'on regrette immédiatement.
"Cultiver l'intelligence émotionnelle, chez nous, adulte, pour la transmettre à nos enfants"
Les enfants apprennent de ce qu'ils vivent avec nous, moins des injonctions que nous avons à leur égard.
Pour apprendre le respect à un enfant, il faut déjà se respecter.
Cultiver l'intelligence émotionnelle, c'est déjà identifier et nommer ce qui se passe en nous. Mettre un mot sur une émotion suffit à faire baisser l'activité de l'amygdale. Mettre des mots précis sur un ressenti fait grandir les compétences émotionnelles.
Cela nécessite de prendre le temps d'observer sa météo intérieure, d'accorder de l'importance à ce qui se passe en soi.
Cela demande de savoir s'arrêter, développer ses compétences sensorielles, faire une pause pour respirer.
Nous possédons 5 sens pour entrer en relation avec le monde qui nous entoure. Ces 5 sens nous connectent à notre monde intérieur. Ce sont les indicateurs de nos sentiments. S'ils ne sont pas écoutés, ils se connectent au mental et nous font ressasser.
Nous avons également la capacité d'observer nos pensées, nos propres contenus mentaux. Il s'agit de notre 7ème sens.
Dans l'émotion, on n'a pas accès à la raison. Par le langage, on peut faire le lien : nommer, observer ce qui se passe au niveau de l'émotion. On sait aujourd'hui qu'il y a un lien entre sa capacité à mettre des mots sur une émotion et la durée de vie.
Etablir le lien entre émotion et besoin
L'enfant a besoin d'attention, de présence. Ces besoins centraux et ses émotions sont des indicateurs. Si on n'écoute pas ses émotions, on est un peu comme le conducteur de voiture qui chercherait à casser le voyant plutôt qu'à remettre de l'essence.
Nous sommes équipés d'un thermomètre intérieur : permet de réguler le chaud/le froid et d'une boussole intérieure : indique notre chemin de vie.
"Il n'y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va" - Sénèque
Ce qui est important, c'est de bien connaître son bateau pour affronter les tempêtes. Les émotions constituent des informations qui nous indiquent ce qui est important.
Certaines émotions sont désagréables, inconfortables. Il faut apprendre à les accepter pour ne pas rentrer dans une lutte perpétuelle. Cette lutte contre soi-même est énergivore. Au lieu d'être un animal réactif, je suis capable de répondre, d'avoir un système qui met une distance entre émotion et comportement.
Lorsque l'on connaît son fonctionnement, on est moins facilement influençable, on garde sa part de liberté, de libre arbitre.
Et si nous étions capables d'éviter de transformer nos douleurs en souffrances?
La souffrance, c'est la douleur à laquelle je ne peux pas échapper, multipliée par la lutte que je mène pour ne pas la sentir.
La souffrance réduit la vie à ce qui est justement insupportable. Une légende amérindienne raconte :
Nourrir le loup
Un vieil Indien Cherokee racontait la vie à ses petits-enfants...
Il leur dit : " Je ressens un grand tourment. Dans mon âme se joue présentement une grande bataille. Deux loups se confrontent.
Un des loups est méchant: il "est" la peur, la colère, l'envie, la peine, les regrets, l'avidité, l'arrogance, l'apitoiement, la culpabilité, les ressentiments, l'infériorité, le mensonge, la competition, l'orgueil.
L'autre est bon: il "est" la joie, la paix, l'amour, l'espoir, le partage, la générosité, la vérité, la compassion, la confiance.
La même bataille se joue présentement en vous, en chacun de nous, en fait.
Silencieux, les enfants réfléchissaient... Puis l'un d'eux dit : " Grand-papa, lequel des loups va gagner " ?
Le vieux Cherokee répondit simplement : " Celui que tu nourris".
A propos d'Ilios Kotsou
Passionné par tout ce qui touche à l’humain, et plus particulièrement par la richesse que donnent à nos vies les émotions, Ilios Kotsou intervient sur les thèmes de l’intelligence émotionnelle, du bonheur, de la pleine conscience et de leur lien avec le changement social.
Docteur en psychologie, il est chercheur au sein de la chaire "mindulness, bien-être au travail et paix économique" de Grenoble Ecole de Management. Formé à la mindfulness (MSBR et MBCT) et très intéressé par les interactions entre science fondamentale et pratique sur le terrain, il est membre du Mind & Life Europe et a également cofondé l’association Emergences (www.emergences.org) qui œuvre pour une société plus solidaire et consciente et finance des projets humanitaires.
Il a été actif pendant plus de quinze ans dans le domaine de la gestion des conflits et des émotions tant en Europe qu’en Asie et en Afrique (notamment pour Médecins Sans Frontières, des athlètes de haut niveau et des médiateurs scolaires).
Auteur de divers articles scientifiques et ouvrages dont « Petit cahier d’exercices de pleine conscience » et « Psychologie positive : le bonheur dans tous ses états », ou « Se changer, changer le monde », réalisé en collaboration avec Matthieu Ricard, Jon Kabat-Zinn, Pierre Rabhi et Caroline Lesire, son dernier livre « Eloge de la lucidité » a remporté le Prix Psychologies-Fnac 2015.